[J-3]

Ryan Air, 30 kilos de bagages maximum : 20 en soute, 10 en cabine. Autant dire que quand on s'envole pour plusieurs mois, il y a un paquet de choses à emporter. Des vêtements jusqu'à l'ordinateur, en passant par le lisseur...il y aura des larmes, il y aura du sang, mais tout devra tenir.

 Faire une valise pour plusieurs mois, ça impose des choix. Souvent difficiles d'ailleurs. On ne peut pas tout emmener, c'est un fait. Alors c'est là que l'on se pose des questions VRAIMENT existentielles : sèche-cheveux ou appareil à manucure ? Deux paires de ballerines ou une paire de botte ? Quel dilemme. C'est dur la vie.

 Faire une valise pour plusieurs mois, c'est un peu comme jouer à Tétris. Sauf que l'on a beau tout empiler et faire des lignes parfaites, il n'y a rien qui disparaît. Il faut faire la meilleure utilisation possible de la technique des « chaussettes roulées en boule », une étape à haut risque. Insérer chaque chaussette entre la paroi de la valise et la pile de pantalons sans rien faire basculer, CA c'est un travail de haute précision.

 Faire une valise pour plusieurs mois, c'est même pire que les sélections de la Nouvelle Star. Les vêtements patientent pendant des heures dans le placard, passent un à un sous les yeux d'un jury impitoyable, seuls les meilleurs accederont à l'étape suivante. Rares seront ceux qui atteindront le Baltard-de-la-valise.

Bref. En gros : Trop d'affaires et pas assez de place. Tout miracle sera le bienvenu.

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[J+3]

  La première confrontation avec l'Angleterre aura été brutale. Un vrai choc. Oui, ma tête a heurté le hublot de l'avion quand je me suis endormie.

  La suite à été plus calme : le père et une des filles de ma host-family m'attendaient à l'aéroport avec une jolie pancarte, comme dans les films. Après un long trajet en voiture où j'ai appris mon premier mot (vous serez ravis d'apprendre que « hard-shoulder » ne veut pas dire « épaule dure » mais « bande d'arrêt d'urgence »), nous avons rejoint le reste de la famille.

  Il semble bien que j'ai de la chance, tout le monde est chaleureux, sympa et essaye de me mettre à l'aise. Quant à la maison, j'ai été gâtée aussi. Après une rapide visite de mon aile qui, soit dit en passant, fait 4 ou 5 fois la taille de mon ancien appartement, il était temps de se mettre à table. C'est là que j'ai remarqué l'incroyable pouvoir de la politesse : j'ai réussi a avaler mes brocolis avec un graaaand sourire. Papa, Maman, vous pouvez rigoler.

  Depuis, je joue aux poupées, aux petites voitures, je fais des puzzles, de la pâte à modeler et compagnie. A partir de demain les filles reprendront l'école, et là les choses sérieuses vont commencer.

  Accessoirement, mes lunettes de soleil n'ont pas supporté le voyage en soute. Vu la météo, c'est pas très très grave.

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[J+6]

 Je me sens un peu comme la James Bond du ménage, une sorte de croisement entre un espion et une fée du logis. Pourquoi ? Car ici le balai est anachronique et l'aspirateur-de-base est proscrit. Il existe mieux, un vrai bijou de technologie, la Rolls Royce des appareils électroménagers. J'aimerais vous présenter cette petite merveille, j'ai nommé : l'aspirateur anglais.

 *voix off - on*  Car oui messieurs-dames, l'aspirateur anglais n'a rien à envier à son collègue français, rien ! Sous ses airs bonhomme se cache une vraie machine à tuer.  Doté d'une brosse rotative et d'accessoires incorporés, à la fois pratique et peu encombrant, l'aspirateur anglais deviendra vite votre meilleur ami. *voix off – off*.

 De quoi faire pâlir l'Ipad je vous dis !

[J+11]

Parce-que non, placarder des affiches dans la rue avec pour titre « WANTED. Jeune au-pair, arrivé(e) récemment, recherche potentiels amis. Pour postuler, appelez le 0789 123 456 », c'est décidément pas classe. Il faut trouver d'autres solutions. Il y en a pas beaucoup.

- Solution n°1 : Les sites internet spécialisés.

Sorte de Pokédex géants, ces sites référencent tous les au-pairs qui s'y sont inscris. Il est possible de rechercher par zone géographique, hobbies, date d'arrivée et compagnie. C'est un peu le supermarché-de-la-race-humaine, mais soit, j'y ai rencontré des gens vraiment sympas.

- Solution n°2 : Téléphoner à des inconnus.

Évidemment, on prend pas l'annuaire pour appeler un numéro au hasard en espérant tomber sur une famille avec un au-pair Mais on trouve toujours des gens pour dire « j'ai entendu dire qu'untel venait d'accueillir quelqu'un, voilà son numéro ». C'est comme ça que moi, qui déteste par dessus tout téléphoner, j'ai appelé une dame. Inconnue. Anglaise. Pour demander le numéro de son au-pair. Oui, oui, oui. Et j'ai bien fait puisqu'il s'est révélé très sympa. Mais enfin quand même, j'ai épuisé mon quota d'appels pour les trois prochaines années.

- Solution n°3 : Le rendez-vous organisé.

C'est à dire ? C'est à dire ça : « Mawylouuu ? (Oui oui, c'est mon nom ici), j'étais avec Mme.Untel au téléphone, sa fille au-pair vient d'arriver, nous vous avons organisé un rendez-vous demain matin à 11 heure au Café Nero. C'est d'accord ? ». Euh...ouais. Des fois on n'a vraiment pas le temps de faire dans le hasard et la spontanéité.

 Bref. Au fond, tout le monde est dans la même situation, personne ne connait personne, et on arrive avec un sujet de conversation de départ intarissable : la vie d'un/une au pair.

Finalement, c'est pas très difficile de se faire des amis.

[J+15]

 Il y a deux semaines j'arrivais tout juste, avec mes valises et mes appréhensions. Partir de chez soi pour vivre dans une autre famille au quotidien, sans réellement savoir à quoi s'attendre, ce n'est pas facile. J'avais deux sujets d'inquiétude, deux graaaandes questions. Maintenant je peux y répondre.

 Première interrogation, plutôt cruciale : est-ce qu'ils vont me prendre pour leur Cendrillon ? C'est pas que je n'aime pas passer le balai en chantant avec des petites souris, mais je n'ai pas de marraine-bonne-fée pour me tirer d'affaire le moment venu. Et puis ici c'est l'Angleterre, il vaut mieux porter des bottes doublées fourrure plutôt que des chaussures en verre/vair, ça tient plus chaud.

 La réponse ? Non, je ne suis pas une esclave. Bien au contraire. Niveau ménage c'est très soft. Tout est déjà tout propre, tout brillant, je ne suis même pas sûre qu'ils connaissent le concept de « poussière » ici. Alors passer l'aspirateur sur un sol tellement net qu'on pourrait y manger, ça ne demande pas beaucoup de boulot. Et pour les enfants, mon travail se limite à quelques devoirs, jouer aux Légo, fabriquer des colliers de perles, faire du coloriage et regarder Scoubidou à la télé. Il y a pire comme boulot, non ?

 Deuxième question, et pas des moindres : est-ce que je vais être obligée de manger du poulet à la marmelade ? Parce-que perso je suis plutôt raclette. Le pudding, la gelée et autres spécialités anglaises c'est pas ma tasse de thé. D'un autre côté, ceux qui me connaissent bien savent que les légumes à longueur de temps ce n'est pas mon truc non plus, et que bien que je ne sois pas contre un an de pizza-hamburgers, j'entends déjà ma mère mes jeans appeler au secours.

 Au final ? J'ai le droit à un subtil mélange entre sandwichs et salades en tout genre le midi, et plats cuisinés avec amour le soir. Je ne devrais donc pas trop grossir, sans pour autant avoir le régime alimentaire d'un rongeur. Super. Pour ce qui est des errances culinaires typiquement british, j'ai eu la chance de goûter au très gastronomique « pavé de saumon délicatement enroulé de bacon et feuilles de menthe sur son lit de salade verte ». Ce qui s'est avéré délicieux, figurez vous.

 Vu comme ça on dirait que le but de ma vie est de ne pas trop travailler et de pouvoir manger tranquille. C'est un peu réducteur, mais pas totalement faux au fond.

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